Emma, adorable petit Emma. Son prénom est une représentation de ce qu'il est. Un prénom tout doux, que certains diraient appartenir à une fille. Pourtant, Emma est un jeune homme. Au regard un peu perdu, d'un marron rougeoyant, hypnotisant. Si seulement on pouvait le voir plus souvent. Emma a un regard fuyant, qui regarde les gens un peu au-dessus de leur épaule. Jamais yeux contre yeux, Emma n'aime pas les confrontations.

Peut-on vraiment lui en vouloir ? Avec une robe et des cheveux un peu plus long il ressemblerait à une fille. Il a toujours été fin, pas vraiment musclé, le corps souple et les courbes harmonieuses. À la limite du féminin et du masculin. Il est comme ça Emma, toujours sur le fil, près du gouffre sans jamais y tomber. Et pourtant il ne vit pas dangereusement mais ses positions, sa façon de pensée, sa vie se trouve toujours au carrefour des chemins.

Avec tout ça, on pourrait croire qu'Emma est facilement remarquable, qu'il attire d'une certaine façon, l'attention de la population. Après tout, il est différent et quand on ne rentre pas dans le moule, on le sait, on se fait remarquer. Alors que lui, Non. Oh bien sûr, on le regarde un peu bizarrement la première fois. Notamment ses cheveux roux pratiquement rouge, une couleur voyante, éclatante, sanguine, qui correspondrait plus à quelqu'un de violent, passionné, haut en couleur et grande gueule. Inoubliable.

Tout l'inverse d'Emma en somme, totalement invisible après le premier regard, tellement timide, silencieux. Et maladroit aussi. Il trébuche, se cogne et chancèlent au moindre mouvement ou coup de vent. À croire qu'il vit vraiment en suspension, comme un funambule et que la moindre brise pourrait le casser en morceau, lui apporter une chute mortelle au-dessus de pierres acérées.

Puis après tout, Emma, il a vraiment pas de chance, il y a autre chose qui l'envoie dans ses pensées profondes, le plongeant un peu plus la tête la première dans son esprit. Se sont ses Migraines, avec un grand M parce qu'il a l'impression qu'elles n'arrivent qu'à lui. De véritables catastrophes, qui l'empêchent de réfléchir, d'agir. Elles le clouent au lit, lui prouve encore une fois qu'il n'a aucun pouvoir sur son corps malhabile. Elles lui donnent envie de mourir, lui martèlent le crâne et quand elles se retirent enfin, il les entend presque ricané tellement il délire ce délicat petit Emma. Un handicape, un de plus, un de moins.

Cependant, notre adorable Emma arrive bien à se faire des amis, il faisait même partie d'une petite bande qui aimait déconner de tout et de rien ; il n'était certainement pas la figure de prou mais il était là. Avec sa présence, sa délicatesse, son petit sourire peluche et tellement adorable qu'on aimerait le serrer dans ses bras à l'en étouffer. Cette phrase, c'était les filles qui n'arrêtaient pas de lui répéter, elles l'adoraient. Régulièrement, elles le trainaient aux shopping et lui faisaient acheter un tas de fringues et en même temps il les conseillait sur leur vêtement.

Mais tout ça c'était avant. Avant qu'il ne reçoit cette maudite lettre. Il n'avait eu aucune chance, tout lui était tombé sur la tête. Avec sa malchance habituelle qui semblait le suivre comme un chien affectueux, au même titre que sa maladresse. Et là plus rien. La peur, car oui Emma a peur régulièrement, il se sait plus faible que les autres. Sa taille, son poids, ses petites mains, sa bouille d'ange. Comment survivre dans ces conditions ?

Lui qui fait un mètre soixante-huit les bras levés, devant des Hunters de la pire espèces, écraser le petit Emma, le tout doux Emma. Rien à faire, KO au premier rand. Le brouillard, les nuages qui lui tournent autour de la tête, alors que d'habitude, on a plus l'impression qu'il plane au-dessus. Un cauchemar. Plus rien, plus d'appui. Un paria. Voilà ce qu'il était devenu.

Et Emma, dans tout ça, il a le cœur solide et les illusions qui flottent toujours dans leur monde éthérés. Emma pense que la vie vaut d'être vécu et que les choses peuvent toujours allés en s'arrangeant. Sa mince silhouette frileuse est face à la tempête et elle tient bon. Comme le roseau, parfois, Emma il plie un peu l'échine mais il refuse d'aller traîner tout au fond de la boue, dans le noir, là où le soleil et les nuages ont totalement disparu. Là où le ciel bleu n'apparaît plus. Emma est effrayé par ces abysses et il refuse d'y céder.

Alors Emma a pris sa raison, son esprit, ses espoirs, son cœur en bandoulière. Avec ces quelques pansements collés là où il se cogne, se coupe, se prend un taloche involontaire. Il se décide à vivre l'Enclos pour ne pas devenir un trophée de chasse pour l'une des brutes qui parcourent la Ville la nuit. Puis après tout, rien n'est pire que les nuits noirs où l'on entend les cris des agonisants. N'est-ce pas ?

Avec cette lois qui gouvernait la Ville. On aurait presque pu penser que certains parents ne voulaient pas faire subir tout ce carnage à leurs enfants mais non. Ces parents inconscients continuent de procréer et d'admirer leurs petits chérubins blonds avec de grands sourires.

Les époux Evans faisaient parties de ces parents irresponsables.

C'est par une froide et sèche matinée d'un 12 février que naquit leur enfant. Petit ange qu'il savait unique et qui se révéla être un garçon. Après moult préoccupations futiles et grandes conversations plus ou moins philosophiques. Le bébé déjà chéri se fit appeler Emma. Nom somme toute, assez féminin mais passons, il était parfait pour ce petit enfant qui venait de naître.